Newsletter n° 1: Coliques du nouveau-né ?

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Coliques du nouveau-né ? Et si c'était une tétée groupée !
  • 22-05-23

Les pleurs excessifs du nourrisson (NRS) sont un motif fréquent de consultation et représentent un véritable enjeu de santé publique. Leur prise en charge contribue à la prévention de maltraitances faites à l'enfant - type bébé secoué - mais également à la prévention de la dépression post-natale maternelle et de ses conséquences sur l'enfant [1, 2]. Kurth et al. [3] ont montré qu'informer les mères en pré et post-natal augmente le sommeil maternel et diminue le risque de dépression et d'altération de la "santé familiale" car cela permet une meilleure adéquation entre les attentes parentales et la réalité des besoins de l'enfant. En effet, il existe un lien de corrélation entre la perception de la notion de trouble chez l'enfant et le risque de dépression maternelle [1].

Les coliques forment un syndrome comportemental chez des nourrissons âgés de 1 à 4 mois qui présentent de longues périodes de pleurs, difficiles à apaiser. Il n’y a aucune preuve que ces pleurs soient causés par une douleur (abdominale ou autre). Il faut donc insister auprès des parents pour qu’ils cessent de ressentir les coliques comme une douleur de leur nourrisson non traitée efficacement (au contraire des coliques hépatiques ou néphrétiques qui obéissent à une conduite thérapeutique précise et efficace). Les coliques sont d’ailleurs insensibles à tous les antalgique. Les pleurs prolongés surviennent volontiers dans l’après-midi ou le soir. En moyenne, les pics des pleurs ont lieu à environ 4-6 semaines puis diminuent régulièrement jusqu’à 12 semaines. (Critères de ROME IV) https://www.gfhgnp.org/recommandations-et-documents/coliques-du-nourrisson/

 

Dans les sociétés occidentales, on estime que 40 % des enfants de moins de 4 mois présentent des pleurs excessifs [4]. La part des enfants présentant réellement une pathologie digestive à type de coliques ou de reflux gastro-oesophagien est faible alors que de plus en plus d’enfants reçoivent un traitement médicamenteux prescrit (IPP ou autres anti-acide, épaississants, …) ou un traitement non médicamenteux parfois auto-prescrit comme l’eau de chaux ou autres boissons apaisantes. Ainsi, dans la plupart des cas, le diagnostic de trouble digestif est posé abusivement par méconnaissance des « rythmes » et besoins physiologiques de l’enfant de 0 à 4 mois. 

Les parents devraient être informés du caractère physiologique de l'augmentation de la quantité de pleurs du nouveau-né (NN) dont le pic se situe aux alentours de 3 semaines [5].

En effet, la plupart des NN ou des NRS allaités au sein ne tète pas de manière régulière toutes les 2 ou 3 heures. Les premiers jours, le rythme des tétées est soutenu, se rapprochant de « l’alimentation » continue intra-utérine via la perfusion placentaire. Différentes études ont été menées afin d’évaluer la capacité de l’estomac du NN pour estimer son rythme physiologique d’alimentation [6, 7]. Le volume de l’estomac du nouveau-né serait compris entre 10 ml (volume anatomique) et 20 ml (volume fonctionnel), d’où la nécessité physiologique de s’alimenter toutes les 40 à 60 min. De plus, l’étude du cycle du glucagon montre qu’au bout de 90 minutes le NN est à risque d’hypoglycémie [8]. Toutes ces observations viennent donc confirmer les constatations cliniques selon lesquelles les NN allaités ont besoin de s’alimenter beaucoup plus fréquemment que ce qui est régulièrement recommandé. En effet, la plupart du temps les NN font des « tétées groupées » [9, 10], c’est-à-dire que plusieurs tétées se succèdent, entrecoupées de courtes périodes de sommeil (environ 20 min). Suite à un groupe de tétées durant 1h30 à 2h, les NN peuvent enchaîner plusieurs cycles de sommeil, alternant sommeil paradoxal et sommeil lent toutes les 20 minutes. Ainsi, le NN est-il susceptible de se réveiller fréquemment pour téter, soit de manière « groupée », soit plus ponctuellement. Ce rythme aléatoire se prolonge généralement jusqu’à environ 6 à 8 semaines. A cet âge, le rythme endogène (sur 25 à 30h) s’installe et on constate alors que les NRS font moins de groupes de tétées en journée mais davantage en début de soirée ou début de nuit – ce sont les « pleurs du soir » ou les « coliques du soir » – et commencent à espacer les tétées nocturnes.

Références bibliographiques

[1] Reijneveld SA et al. Infant crying and abuse. Lancet 2004;364(9442):1340-2

[2] Vik T et al. Infantile colic, prolonged crying and maternal postnatal depression. Acta Paediatric 2009;98(8): 1344-8

[3] Kurth et al. Crying babies, tired mothers - challenges of the post natal hospital stay : an interpretive phenomenological study ; BMC pregnancy and Childbrith 2010, 10:21

[4] Lucassen PL et al. Systematic review of the occurrence of infantile colic in the community. Arch Dis Child 2001;84(5):398-403

[5] Hunziker Urs A, Barr Ronald G. Increases Carrying Reduces Infant Crying : A randomized controlled trial. Pediatrics 1986, vol 77

[6] Sase M, ASADA H, OKUDA M et al Fetal gastric size in normal and abnormal pregnancies. Ulstrasound obstet gynecol ; 2002 ; 19:467-470

[7] Zangen S et al Rapid maturation of gastric relaxation in newborns ; Pediatr Res ; 2001 Nov ;50(5):629-32

[8] Bergman Nils. Theory on feeding frequency. ILCA conference 2013 June. Melbourne

[9] Frantz K. Quand bébé refuse de téter. Hors série des dossiers de l’allaitement JIA 2003 :24-27

[10] Morinaux MF. Allaitement exclusif. Quand la connaissance des rythmes peut lever des obstacles. Les dossiers de l’obstétrique 2007 ; 366 :16-19